Par Vanessa Renaud
Difficile de penser à l’hiver alors que nous sommes au beau milieu de l’été, mais si vous élevez du bétail, il n’est pas trop tôt. En effet, il est maintenant temps de prévoir quand et comment vous épandrez du fumier dans les champs avant que le sol ne soit gelé ou enneigé.
L’épandage de fumier solide ou liquide en hiver n’est pas une pratique de gestion optimale et doit être évité autant que possible.
Agricultrice de l’Est ontarien et experte-conseil en productions végétales, je travaille quotidiennement auprès de responsables d’exploitations agricoles pour les aider à produire des cultures de qualité et à préserver la santé des sols. Le fumier offre des éléments nutritifs naturels de grande valeur. En plus d’enrichir le sol de matière organique – une bonne structure du sol rend celui-ci encore plus résistant en période de stress, notamment lors de sécheresses ou d’inondations – il nourrit les micro-organismes qui vivent sous la terre.
La période et les méthodes d’épandage du fumier influent grandement sur le rendement et l’efficacité des éléments nutritifs de même que sur les répercussions environnementales. Quand l’épandage se fait sur un sol gelé, le fumier ne peut pas être incorporé dans le sol comme il le serait lors de mois plus chauds. De plus, l’eau s’infiltre peu dans le sol. Par conséquent, s’il pleut ou si la neige fond en raison d’une hausse des températures, l’eau s’écoule, emportant avec elle les éléments nutritifs épandus sur la surface gelée.
Si peu de gens associent l’hiver à la pluie, de récentes études du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario (MAAARO) ont pourtant démontré que les épisodes de pluie et de fonte des neiges en hiver ne sont pas aussi rares que l’on pourrait le croire. D’autres études ont également révélé que les pertes de phosphore en Ontario, c’est-à-dire le ruissellement vers les cours d’eau des éléments nutritifs provenant du fumier, sont principalement observées en automne et en hiver, le plus souvent pendant et après d’importants épisodes de pluie ou de fonte des neiges.
Voici quelques-unes des principales raisons pour lesquelles il n’est pas souhaitable d’épandre du fumier en hiver :
Perte d’éléments nutritifs
Le fumier de bétail est une importante solution de rechange naturelle aux engrais commerciaux. Toutefois, si les éléments nutritifs sont emportés par les eaux au lieu d’être absorbés par le sol, ils ne sont pas assimilés par les cultures et il en résulte un gaspillage de ressources et d’argent. De plus, cette perte entraîne une baisse du rendement des cultures ou occasionne des coûts supplémentaires, puisque les éléments nutritifs doivent être remplacés.
Contamination des sources d’eau
Le ruissellement de fortes quantités d’éléments nutritifs vers les cours d’eau, les rivières et les lacs attenants a des effets néfastes sur la qualité de l’eau et sur l’ensemble de l’écosystème environnemental. Entre autres, ces éléments nutritifs stimulent la prolifération d’algues, ce qui nuit à la vie humaine, végétale et animale. Pensons notamment aux efflorescences d’algues dans le bassin ouest du lac Érié qui retiennent l’attention des médias chaque été.
Renforcement des perceptions négatives du public
La prolifération d’algues est l’une des raisons pour lesquelles la qualité de l’eau des lacs de l’Ontario attire de plus en plus d’attention. De nombreux facteurs contribuent à ce problème, mais comme les activités d’épandage de fumier sont particulièrement visibles, les exploitations agricoles deviennent une cible facile sur laquelle jeter le blâme.
Compactage du sol
La croyance populaire selon laquelle l’épandage en hiver réduit le risque de compactage du sol causé par l’équipement agricole lourd n’est qu’un mythe. Le sol gelé n’est pas plus apte à supporter le poids des épandeurs de fumier ou des citernes. Bien que la surface du sol soit gelée, les couches inférieures ne le sont pas, et le compactage entraînera des problèmes de croissance lors des saisons de croissance subséquentes.
Comment peut-on éviter l’épandage en hiver?
Les organisations agricoles de l’Ontario ont rapidement adopté une démarche proactive de sensibilisation à l’épandage hivernal, et la plupart des agriculteurs ontariens connaissent les risques et prennent les mesures nécessaires pour les éviter. Dans bien des cas, l’épandage en hiver est attribuable à un manque d’espace où entreposer le fumier jusqu’au printemps ou à l’incapacité de vider les fosses à l’automne, notamment en raison de conditions météorologiques entraînant des retards dans l’épandage du fumier.
Néanmoins, il suffit d’un ou deux incidents pour nuire à la réputation de l’ensemble du secteur. Voici donc quelques points clés à prendre en compte à l’approche des récoltes d’automne et des préparations d’hiver :
Ayez un plan : sachez quelle quantité de fumier vous pouvez entreposer et ayez un plan de secours au cas où il ne serait pas possible d’épandre la majeure partie des réserves à l’automne. Envisagez l’entreposage temporaire du fumier solide dans une structure existante ou la location d’une structure d’entreposage pour le fumier liquide, par exemple.
Passez en revue vos options d’entreposage : recouvrez ou agrandissez les structures d’entreposage de fumier existantes. En protégeant les fosses à fumier liquide de la pluie, il est possible d’augmenter les capacités d’entreposage de l’exploitation sans avoir à construire des structures additionnelles.
Pratiquez la rotation des cultures : introduisez du blé d’hiver, de l’orge d’hiver, du canola d’hiver ou des cultures de couverture dans les rotations. Vous disposerez ainsi de périodes d’épandage additionnelles tout au long de l’année et allégerez le calendrier chargé du printemps et de l’automne. La rotation des cultures n’est pas une solution pour cette année, mais elle peut être mise en place pour la prochaine saison de croissance.
Suivez la méthode des 4B : veillez à utiliser le bon produit, à la bonne dose, au bon moment et au bon endroit.
Pour en savoir plus sur la gestion responsable du fumier, consultez l’initiative Timing Matters soutenue par des organisations agricoles et des groupements de producteurs spécialisés provinciaux et nationaux.
Pour obtenir de plus amples renseignements, communiquez avec :
Tyler Brooks
Directeur des communications et des relations avec les intervenants
Fédération de l’agriculture de l’Ontario
519-821-8883, poste 218
tyler.brooks@ofa.on.ca